mercredi 1 octobre 2014

Derrière la blouse y a un prénom




Je vais revenir sur quelques petites histoires qui m'ont marquées dans ma vie professionnelle, je dis vie car oui pendant mes 7h30 de poste où j'ai ma blouse je vis, je respire, j'ai des émotions...
Je suis humaine quoi.
Bref ces petits récits sont engagés surtout contre un docteur et un seul...
Et peut être aussi quelques infirmiers...
Mais attention je ne mets pas tous les docteurs/infirmiers dans le même panier, car c'est comme tout cœur de métier, il y a des bons et des pas bons, même chez les aides soignantes, mais c'est un autre débat.
Donc ne vous sentez pas visé(e)s, sauf si vous êtes le docteur en question et que vous reconnaissez les situations, sachez que sous la blouse il y a des êtres humains. 
Bonne lecture.


Une matinée presque ordinaire:

Je viens de finir ma 3ème toilette, je suis déjà a deux doigts de faire une hypo, oui je sais vous allez dire que 3 toilettes c'est pas énorme.
Mais avant ça j'ai assisté à la relève du matin, j'ai fait le tour des chambres pour installer les patients pour le petit déjeuner.
J'ai du mettre x personnes sur le bassin.
J'ai du répondre à x sonnette(donc des aller-retour interminables dans ce grand couloir).
J'ai du prendre une dizaine de tension sur un petit papier et après récrire tous ça dans leurs classeurs de transmissions.
J'ai du aider à faire manger x patients car les infirmiers ne donnent que les médicaments (sur-diplômés pour donner une blédine).

Donc je reviens a mon histoire :

Il est 9h20, je viens de finir ma 3ème toilette et je suis dans le couloir à regarder ma feuille de soins/de noter et surtout à essayer de m'organiser la suite de la matinée.
Donc cher docteur si vous voyez des aides-soignantes dans le couloir, ça ne veut pas forcement dire qu'on glande et qu'on ne fout rien.

9h30 Mr Le Docteur arrive tout propre – ça sent la douche prise y a pas longtemps (je l'envie un peu,je suis déjà en sueur et mon déo ne fait plus vraiment effet à cette heure-ci), et va dans son bureau. On sait très bien que dans 5 minutes il y aura la relève donc on n'engage pas de toilette, on papote un peu entre nous dans le fond du couloir.

Mr Le Docteur sort un peu pressé de son bureau, c'est bon c'est l'heure. Appelle les infirmiers, attention pas par leurs prénoms (même si ça fait 4 ans qu'ils travaillent tous ensemble,on sent l'envie de ne pas mélanger les serviettes et les torchons ensemble). Je ne vous raconte même pas son point de vue sur le petit personnel: nous les aides soignantes!
Donc Mr se tient devant la salle (réservé a la relève) et dit:
                 «Infirmiers!!Infirmiers,vous venez,on fais la relève»
Les infirmiers s'exécutent, même s'ils étaient en plein soins, faut pas broncher avec Mr.
Et là Mr Le Docteur nous regarde (on est deux aides-soignantes) et tenez vous bien:
Il nous siffle (comme un maître peut appeler son chien), NOUS SIFFLE (!) et rentre dans le bureau.

Je suis sans voix, je reste dans le couloir à froncer les sourcils, à essayer de comprendre la situation, je plane un peu, pincez-moi...Est-ce réel?? Mais oui.
Ma collègue aide-soignante me prend par le bras et me dis de me dépêcher car Mr n'aime pas attendre. Je me décroche de son bras, il est hors de question que j'y aille et surtout de répondre à ce sifflement, c'est bon je suis certes en bas de la hiérarchie , mais je ne suis pas un chien!! Ma mère a ma naissance m'a donné la vie et un prénom: je suis Charlie, je suis un être humain PAS UN CHIEN.

Je propose quand même à ma collègue de marquer le coup et de nous acheter des colliers de chien, pour arriver en aboyant la prochaine fois qu'on se fera siffler. Bon elle n'a pas voulu, je trouvais l'idée sympa.
L'autre aide-soignante flanche, ne veut pas faire de rébellion et va finalement en relève.
Il reste que moi, mes convictions et un couloir vide.
Au bout de 5/10 minutes, un infirmier (avec qui je m'entends bien) a remarqué mon absence et vient me chercher. Je lui explique ce que j'ai sur le cœur et que ça m'a blessée qu'on me siffle comme ça, comme un chien!
Il me calme un peu, et me convainc de venir assister à cette relève.
Ok je viens, de toute façon je suis seule et je peux pas faire une mini grève dans le couloir et révolutionner les mentalités toute seule et en un jour.
Et surtout que ma chef ne m'aime pas (les répercussions que ça peut avoir sur ma notation), ça calme les esprits. Comme quoi en régnant avec la peur, tout le monde ferme sa gueule.

Je m'installe dans la pièce, le plus loin possible de Mr Le Docteur(spécialiste du dressage de chien), je ne regarde personne, je suis assise sur mon petit tabouret. J’attends que ça se passe car de toute façon en relève les aides-soignantes décorent la salle,telles des objets. Car j'ai déjà tenté de dire des choses en transmissions, Mr Le Docteur ne te regarde pas, t'ignore et surtout prends l'avis des infirmiers pas des aides-soignantes, pourquoi se rabaisser? Parce que sachez cher Docteur, que nous petites mains/petit personnel/pas intelligent/pas de connaissances scientifiques etc (car malheureusement la liste est longue et j'ai entendu pas mal d'horreur sur nous),

Donc oui sachez Mr Le Docteur, que nous aides-soignantes, passons bien plus de temps avec les patients, nous les écoutons, nous les rassurons, nous sommes au plus près d'eux pour voir un changement dans l'autonomie, la dégradations cutanée(les escarres et faire de la prévention), le moral ou un un changement de comportement. On est là aussi pour les aider au quotidien, on sait aussi si les patients ont mangé, de quelles couleurs sont leurs selles, la diurèse, savoir si ils ont suffisamment uriné (et le cas échéant, essayer de les faire boire un peu plus). On est au plus près d'eux … On a des yeux et une langue...
Donc à vous Mr Le Docteur, vous voulez vraiment savoir comment vont vos patients, venez nous voir...
On attend que ça, un échange multidisciplinaire, échanger des informations et en recevoir!

Pour la fin de mon histoire, je vous dirais que je me suis assise dans mon coin et que j'ai attendu que ça se finisse. Je suis repartie au boulot, finir ma matinée et être auprès de mes patients, sans leur montrer que j'avais le cœur lourd et meurtri...

Mais je soupçonne mon copain infirmier d'avoir touché un mot a Mr Le Docteur, car les jours qui ont suivi, au moment de nous appeler, il ne nous sifflait plus mais disait:
              «Bon les aides-soignantes vous venez,on vous attends»

Ps: comme quoi mon petit moment de rébellion a peut-être changé un peu notre quotidien.

Sous ma blouse il y a Charlie, je suis aide soignante(un peu rebelle)mais il y a surtout un être humain avec cœur!